Par Sylvain Pontier
Depuis de nombreuses années, les juridictions, tant civiles qu’administratives consacrent le droit à l’information du patient. Il a d’abord s’agit d’une construction prétorienne, c’est-à-dire créée par la jurisprudence, puis consacrée par la loi. L’origine de ce droit à l’information du patient est la protection de la dignité de la personne humaine. C’est la raison pour laquelle le praticien a pour obligation de rechercher le consentement du malade. A défaut, il commet une atteinte à ses droits et un manquement à ses devoirs et obligations.
Ce consentement du patient doit être éclairé par l’information que lui donne le médecin et qui doit revêtir une certaine précision. Aux termes de l’article L.1111-2 du Code de la Santé Publique, l’information donnée par le médecin à son patient « porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposées, leur utilité, leur urgence éventuelle, leur conséquence, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».
L’article L.6322-2 du Code de la Santé Publique prévoit quant à lui que le médecin doit informer « des conditions d’intervention, des risques et des éventuelles conséquences et complications ».
Il n’existe que peu d’exceptions à cette obligation de délivrer une information complète : l’hypothèse dans laquelle il y a une urgence qui rend impossible l’obtention du consentement du patient, de même que l’hypothèse dans laquelle le patient a manifesté le souhait de rester dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic relatif à son état de santé.
Les exceptions à l’obligation d’information sont donc extrêmement réduites.
Le défaut d’information du patient constitue une faute médicale de la part du médecin.
Il doit en réparer les conséquences dommageables.
La jurisprudence s’est interrogée sur la nature des conséquences dommageables du manquement à un devoir d’information.
Initialement, et jusqu’à il y a peu cette sanction passait par l’intermédiaire de la théorie dite de la perte de chance.
En clair le patient perdait une chance de renoncer à l’opération.
Dans cette hypothèse, que ce soit devant le juge civil ou le juge administratif, le patient avait droit à la réparation intégrale de son préjudice.
La Cour de Cassation et, très récemment, le Conseil d’Etat, considère aujourd’hui que le défaut d’information constitue un préjudice autonome.
En effet, dans un arrêt du 3 juin 2010 (cassation civile, 3 juin 2010, n° 09-13.591, AJDA 2010. 2169, note Lantero ; Dalloz 2010 page 1522), la Cour de Cassation réaffirme l’obligation d’information due aux malades et estime que la violation de cette obligation cause aux patients un préjudice autonome que le juge ne peut laisser sans réparation.
Il s’agit d’une modification totale de la manière d’appréhender la question.
« En adoptant une telle position, le juge ne s’inscrit plus dans une démarche subjective qui consistait à rechercher quelle aurait été la décision du patient s’il avait correctement été informé » (Xavier BARELLA, in Le droit à l’information en matière médicale, vers la reconnaissance d’un droit subjectif du patient, AJDA 29 octobre 2012 page 1991).
Le Conseil d’Etat a emboîté le pas de la Cour de Cassation dans un arrêt récent en date du 10 octobre 2012 (Conseil d’Etat 10 octobre 2012, requête n° 350426 ; commentaire précité).
Dans cette espèce, un patient n’avait pas été informé des conséquences thérapeutiques d’une intervention chirurgicale qu’il devait subir et des risques de complications graves comprenant, notamment, une atteinte probable de ses fonctions sexuelles.
Il s’agit très exactement d’un cas de faute dans la délivrance de l’information par le médecin.
Restent à déterminer les conséquences de cette faute.
Le Conseil d’Etat rappelle « qu’un manquement des médecins à leur obligation d’information engage la responsabilité de l’hôpital dans la mesure où il a privé le patient d’une chance de se soustraire aux risques liés à l’intervention en refusant qu’elle soit pratiquée ; que c’est seulement dans le cas où l’intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d’aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l’existence d’une perte de chance ».
Cependant, dans cette espèce, le Conseil d’Etat constate que la faute, c’est-à-dire le manquement des médecins à leur obligation d’information, n’a pas fait perdre aux requérants une perte de chance de refuser l’intervention dans la mesure où un expert avait établi que celle-ci était l’unique procédé permettant d’extraire la tumeur dont le patient était porteur.
En clair, le patient n’avait pas le choix de cette intervention.
Mais le Conseil d’Etat juge ensuite « qu’indépendamment de la perte d’une chance de refuser l’intervention, le manquement des médecins à leur obligation d’informer le patient des risques courus ouvre pour l’intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d’obtenir réparation des troubles qu’il a pu subir du fait qu’il n’a pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles ».
En l’espèce, le requérant n’avait pas sollicité l’indemnisation de ce préjudice et il n’obtient donc aucune somme à ce titre.
La décision du Conseil d’Etat est néanmoins extrêmement claire : il consacre l’existence d’un droit à l’information autonome dont le manquement ouvre droit à réparation du préjudice.
C’est dire que même si, avec une information parfaite, le patient n’aurait pas renoncé à l’opération, car elle est vitale, il doit obtenir une information suffisamment claire pour pouvoir se prépare aux conséquences de celle-ci.
L’absence d’information l’empêche de se préparer sereinement à subir les complications et cela constitue un préjudice à part entière.
Sylvain PONTIER
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